
Girafolle-World
Perfide-Passion


Barnett Zona






"...En me réveillant, mon premier réflexe fut de me tourner pour observer les filles dans leur lit de maternité. Toutes les trois étaient là, endormies. Je balayai la pièce du regard pour constater la fuite des sorcières. Leur prédiction était toujours présente, ancrée à jamais dans ma mémoire.
<< Tasanee, chérie. Je suis désolée, avait commencé ma soeur avant que son amie ne poursuive à sa place.
_ Tasanee, Georges et toi êtes destinés à un grand malheur. >>
Je venais d'accoucher, inutile de dire que cette simple phrase avait suffi à me donner la nausée.
<< Votre fin sera prématurée. Tu as enfanté ton propre déclin... >>
Indomptables, mes larmes ruisselèrent à nouveau sur mes joues tandis que je me dirigeai vers mes enfants. Jusqu'à mon dernier soupir, ce souvenir me hanterait. Mes princesses ne méritaient pas d'être traitées en monstres.
Ann, la première née, dormait paisiblement. Elle ressemblait à une de ces poupées que l'on donne aux fillettes pour "jouer à la maman".
Mahulda, la seconde, se reposait, complètement découverte, son petit ventre rond se gonflant puis se dégonflant au rythme de sa respiration.
Je pris Zona, la plus jeune (si l'on pouvait parler ainsi), dans mes bras. Elle avait un sommeil agité et ne tarda pas à se réveiller en pleurant. Je caressai délicatement ses premiers cheveux pour l'apaiser. Ses cheveux blancs.
<<Ann, est la naissance.
_ Tais-toi ! hurlais-je.
_ Mahulda est l'âge adulte.
_ Ne continue pas !
_ Zona...
_ Stop !
_ ... est la mort. >>"
Assise sur son carton en plein milieu du trottoir, Zona replia ses jambes contre elle, qu'elle entoura de ses bras recouverts d'un vieux pull sale et abîmé, (comme si cette guenille allait la protéger du froid hivernal). Elle méritait cette précarité, ce vide dans son cœur. Elle était une meurtrière après tout...
Aujourd'hui devenue femme, son innocence avait volé en éclats au décès de sa mère et à la lecture du journal de cette dernière. Maintenant elle savait : Ann était morte à cause d'elle, comme maman.
Alors pour ne pas tuer Mahulda et son père, elle avait fuit, en emmenant les écrits de sa génitrice sous le bras.